Un lyrisme raisonné en bois et lumière
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À quel âge as-tu quitté le Liban? Et dans quel but ?
J'ai quitté le Liban quand j'avais 27 ans. Je suis arrivée en plein hiver car j'avais hâte de partir vers une nouvelle aventure, je n'aurais pas pu attendre le printemps pour mon nouveau début! Ma carrière n'avançait pas au rythme que je désirais.
Pourquoi choisir Montréal comme lieu de résidence et de travail ?
Avec ma famille, nous avions demandé une résidence permanente au Canada afin d'avoir une porte de sortie si les choses se passaient mal au Liban. Répéter tout le processus pour l'Europe aurait repoussé mon objectif de quelques années. Je suis finalement venu seule à Montréal.
Qu'est-ce qui t'as amenée à choisir le métier de designer ébéniste? ?
Depuis que je suis petite je suis attirée par la forme, les objets, les textures, le touché. Quand j'avais 12 ans je collectionnais les bouteilles de parfums miniatures. Les flacons étaient tellement beaux et différents les uns des autres! C'est à ce moment de ma vie que je commençais à réaliser mon intérêt pour les objets.
Je me suis vite rendue compte que je voulais être une artiste créatrice. Au cours de mon baccalauréat en design d'intérieur, j'ai découvert ma passion pour le travail en atelier. Au Liban, les métiers manuels sont souvent transmis de maîtres aux apprentis. C'est donc à Montréal que j'ai profité de l'occasion pour me développer en ébénisterie. C'était très libérateur de donner vie à mes propres créations.
Comment décrirais-tu ton style ?
Mon style est expérimental, mais le résultat final est contemporain avec une influence rétro. J'aime dire que mes produits sont poétiques avec une touche d'humour.
Parle-nous de tes inspirations? Des gens inspirants rencontrés sur ton chemin professionnel?
Tout autour de moi peut être une source d'inspiration! Qu'il s'agisse du monde des plantes, un élément de la ventilation d'une salle d'attente ou de l'ombre déformée d'un objet sur un mur. Très souvent, je m'inspire du matériel lui-même. Dernièrement, j'exploite le contreplaqué de merisier qui me donne une multitude de résultats.
Le premier objet que tu as fait ?
Mon premier objet était une lampe. On l'appelle « Vagabond ». Celui-ci me décrit quand j'ai quitté le Liban. Il est composé d'un bâton et d'une ampoule à son extrémité. Cette lampe représente le caractère de ma jeunesse qui a quitté sa famille et son pays.
Lampe Vagabond - © Crédit photo: Richère Trudeau
Quel est ton processus de création et de production? Et quelle est la partie que tu préfères?
Quand j'ai une idée à l'esprit, je la laisse mûrir longtemps avant de la dessiner. Mes meubles et objets sont principalement dessinés à la main et à l'échelle, c'est pour moi la meilleure façon de les voir. Je prends aussi le temps de faire de petits modèles. De tous les processus créatifs, faire le prototype à l'atelier est la partie que je préfère.
As-tu une préférence pour une essence de bois?
Je dois admettre que je n'ai pas un bois de prédilection. J'ai eu souvent à travailler le noyer, ce bois a une odeur particulière et lorsqu'on applique une huile de finition il révèle ses variances de couleurs et de profondeur.
Y a-t-il de nouveaux matériaux, ou textures que tu aimerais expérimenter?
Je suis à développer mes techniques de moulage. Une fois bien maîtrisées, je souhaite mouler plusieurs matériaux tel que les plâtres, ciment, silicones etc... Éventuellement la céramique est aussi un matériel que je désire exploiter. .
Et quelle technique privilégies-tu ?
Parmi les nombreuses techniques d'ébénisterie, c'est la sculpture que je priorise. Cela me donne une liberté créative et c'est dans cette technique que je me réalise et m'exprime moi-même comme artiste. Cela a même parfois des effets thérapeutiques sur moi.
Des projets professionnels pour l'avenir ?
À court terme, je concentre mes efforts pour développer mon entreprise, élargir mes horizons et exploiter de nouveaux marchés. À plus long terme j'aimerais bien avoir pignon sur rue!